Aromantisme et construction fantasmatique

[Josse2206]

Bonjour !

J'ai une réflexion qui me trotte dans la tête depuis pas mal de temps concernant mon aromantisme et je voulais vous la partager.

En fait je crois n'avoir jamais été amoureux de ma vie. C'est pourquoi je me définis comme aromantique. Pourtant j'ai l'impression que ce n'est pas aussi simple. Je pourrais essayer de vous résumer toutes les fois où j'ai eu l'impression d'une attirance amoureuse et comment je les ai reconsidérées au prisme de mon aromantisme quand ce mot m'est apparu mais ce serait trop long et pas vraiment utile. Bref, voici où je veux en venir.

Après réflexion, l'attirance que j'avais pour toutes les filles en qui je croyais éprouver un intérêt amoureux n'était pas un intérêt pour elle en tant que sujet humain mais pour une image que je me faisais d'elles. Ce que je veux dire c'est que j'ai en tête une idée assez précise de la fille parfaite à mes yeux et qu'elles avaient toutes un trait qui me permettait de projeter ce fantasme. En fin de compte je me suis rendu compte que j'étais amoureux de ce fantasme, ou plutôt que je le savais déjà mais que je ne voulais pas me l'avouer. Mais le paradoxe en même temps c'est que je n'ai pas l'impression de vraiment ressentir de l'amour pour ce fantasme non plus. C'est plus l'idée que je me fais de ce qu'il me manquerait dans ma vie pour que je sois heureux (même si rien me dit que c'est vraiment le cas évidemment).

Bref je voulais ouvrir la discussion sur ce sujet. Est-ce que certains se reconnaissent dans cette idée ? Est-ce que vous avez expérimenté ou expérimentez toujours quelque chose de ce genre ?

J'ai notamment l'impression que cette construction fantasmatique est issue d'une société où l'amour romantique et le couple sont très ancrés/codés/ritualisés et obligent d'une certaine manière les individus à se conformer à ce cadre pré-construit excluant de fait le spectre aromantique. (Vous voyez un peu les effets de ma formation de sociologue haha ).

J'aurais encore beaucoup à dire sur ce sujet et des sujets annexes à celui-ci mais plutôt que de faire un seul post avec plein d'idées, je préférerais que ça apparaisse dans nos discussions

[clotaire]

Je ne sais pas si je me reconnais là-dedans, mais peut-être un peu.

J'ai aussi construit un idéal fantasmé, pendant longtemps. Je pense que c'est normal.
J'ai rencontré pas mal de femmes qui avaient plus ou moins de traits communs avec cet idéal, et l'une d'elles a su me conquérir un jour. J'ai réfléchi un peu, j'ai accepté. Elle n'avait pas tous les traits de mon idéal, mais je me suis dit que c'était déjà bien
Et après, le sentiment amoureux continue à se construire. Il prend une forme différente, mais l'attachement se renforce quand même.

J'ai pensé être aromantique à certains moments mais avec du recul, je ne pense pas que je l'étais. J'ai juste la tête froide et une certaine rationalité...

[Mel]

Personnellement, je ne sais pas trop.

Quand on me posait la question, (quel est ton type de fille ? ou de garçon ?) j'avais pas vraiment d'idéal. Bien sûr, y a des traits que je trouvais plus jolies que d'autres, mais dans la globalité, ca ne me permettait pas de répondre à cette question. J'associait pas beauté à possibilité "d'aimer" la personne, alors que les autres oui, et quand je disais qu'un tel etait beau lorsque l'ont me le demandais, les gens devenait lourd, faisaient les entremetteur douteux ou propageait de sottises.
Et le fait que je me voyais naturellement célibataire n'aidait pas (c'est comme penser un gâteau au chocolat très salé, ca fait un peu étrange, inhabituel. C'est pas focément concevable en tête directement). Malgré le fait que tout le monde cherchait cette "idylle" immédiatement, et que si tu ne cherchait pas ca, t'es un looser, un nerd, un paria.
Donc pour répondre à cette question, je divagais, ou je disais simplement que je n'en ai pas.
Mais ca, je m'en fichais un peu beaucoup. C'est pas comme si ca allait m'impacter étant donné que j'etais un peu ferméae au autres. Et du fait que je ne comprenais pas toujours ce que cela impliquait ces règles et obligations sociales, je ne les respectais pas toujours puisque je n'en voyais ni le début, ni la fin, ni l'origine.

Mais le fait qu'autrui soit en couple, je trouvais cela marrant, cool pour eux si c'etait le cas, des couples heureux, même si je trouvais cela un peu futile avec certaines personne qui changeait souvent de couple, ou le fait que c'est un peu superficiel ("elle/il est joli.e, elle m'intéresse alors que je l'ai jamais connu avant") et pas forcément directement connaître la personne (ce qui arrive aussi et je les comprend un peu mieux eux, même si je me demande comment une amitié peut virer au couple, j'y apporte plus de crédit disons à cette voie là que cette du spontanée) avant ce développement de "sentiments". On peut aussi ajouter que certains y mettait le grains de l'attirance S dedans, ce que je comprennais pas trop aussi. Et puis y avait ceux qui saviait exactement que type de personne ils voulaient, jusqu'à l'éphélide près
C'etait quand même curieux je trouvais au fond.

Je trouvais que cela semblais aussi une forme de mimétisme des comportements adultes. Vouloir se mettre en couple, avoir des attirances, vouloir sexer ... Comme les adultes.
Et je me disais qu'au pire, ca viendra avec le temps si faut pour moi aussi mais cela me semblait bien étrange quand même, puisque avec leurs explications, cela semblait concret, pas factice. Mais ca m'inquiétait pas plus que ça. Et puis l'argument du "trouvera le bon/la bonne tôt ou tard m'assaillissait souvent de la part des autres x). Comme l'ordre des choses. Même si c'etait l'ordre des choses, je me serai même aller à l'incontre de cette ordre pour être tranquille ... ou être avec une personne qui accepte comme je suis et qui me demande pas trop
On m'a aussi fait souvent des repproche fasse à ce "manque", cette absence d'intérêt, voir même demandé si j'etais homo. J'emettais alors l'hypothèse d'une éventuelle bisexualité sans vraiment y réfléchir (car n'y voyant différence "d'attirance" car celle ci nulle en terme de valeur, je pensais que cela l'etais. Evidemment amalgame sexualité et romantique) .

J'avoue avoir eu peur parfois que mes proches "tombent amoureux" de moi, ce que je trouvais un peu marrant au final mais par chance j'imagine, ca n'a jamais été le cas (et tant mieux). Même si à côté, j'ai reçu des déclarations, des lettres ou des demandes de numéro (très souvent refusé )

Mais quand j'y pense, au travers du spectre de l'étrange, je trouvais que c'etais pas moi l'étrange, mais les autres, car je ne les comprennais pas. Comme si c'etait moi la personne normale et pas eux, qu'ils s'aliennent pour des choses factices et qui les ralentissent dans leurs vies. Mais j'ai appris que ca peut être tout autant l'inverse, même si certains ont comme unique et seul but dans la vie d'être en couple, même maintenant à l'âge adulte.

Mais le fait que tout cette aspect sociale si codifié et si délimité, de l'amour et que tout le monde doit être amoureux quitte à être malheureux, pour entrer dans les rangs

[Eulabéia]

Je me reconnais beaucoup dans ce qu'a dit Mel.
Et oui, en effet, je suis persuadée que le couple, tel que la société le voit, c'est l'idéal à atteindre. J'ai déjà entendu la phrase "le but de la vie, c'est quand même d'être amoureux" Et moi, aussi, je vois souvent cela comme étant normale moi-même, et ce sont les autres qui ont ce comportement "anormal" (à mes yeux), de vouloir absolument être en couple tout le temps, quitte à en changer tous les mois, ou s'enterrer dans une relation désastreuse et à pleurer parce qu'ils en sont malheureux.
Et, oui, il y beaucoup de mimétisme : "tout le monde a toujours fait comme ça, pourquoi est-ce qu'on ferait autrement ?"
Je trouve même ça un peu triste pour eux, que tous ces gens n'y réfléchissent pas un peu plus : suivre les injonctions de la société, juste pour entrer dans le moule...

[Erialc]

En fait, je me dis que ce n'est pas parce qu'on ne tombe pas amoureux que l'idéal romantique de la société ne fait pas rêver. Ça peut faire rêver d'être aimé.e de manière inconditionnelle et exclusive par quelqu'un, quand bien même on ne tombe pas amoureux, parce que tout le monde a besoin d'être aimé. Ça ne veut pas dire que tout le monde veut vraiment que ce rêve devienne la réalité, ça ne veut pas dire non plus que tout le monde se rend compte que ce n'est pas forcément une bonne réalité pour chacun.

[Ace Luna]

Cela rejoint mon expérience personnel tout ce que je lis là.
Autant je n'ai manifesté aucune résistance à l'idée d'être asexuelle, autant il m'a fallu de longues réflexions avant de tilter que j'étais aussi aromantique. Le terme cupioromantique m'a vraiment aidé à réaliser la différence entre l'attrait pour le concept romantique et l'attrait pour la personne en face.

J'ai longtemps pensé que l'idéal romantique pouvait arriver à tout le monde, que c'était un accomplissement modérément difficile de trouver une personne avec qui être fusionnel. Il m'est arrivé d'espérer avoir ce genre de relation avec quelques personnes mais très vite après cette première pensée, je me contentais de chercher un ami très proche. Soit je devenais amie et j'avais oublié/abandonné l'idée, soit ça n'allait pas plus loin et j'arrêtais d'espérer tout simplement.
De ce que je comprends : les personnes alloromantiques n'ont pas autant de facilité à oublier ce genre d'espoir face à une personne qui les attire. Ils sont même attachés particulièrement à la dite-personne.
Comme on est constamment bombardés de romance ou de questions dessus, c'est dur d'oublier le concept, surtout quand l'option célibataire fait si peur à tout le monde.

Depuis que j'ai mis des mots sur ce dont j'avais besoin en terme de relation, je ne me sens plus en retard ou inadéquate. Je regarde les romances en ayant conscience que ça n'arrive pas forcément à tout le monde. Je ne suis plus anxieuse face à une nouvelle rencontre, je laisse les choses se faire paisiblement. En fait, je pense même qu'une partie de moi savait que ce n'était pas bien d'attendre d'un inconnu qu'il remplisse un rôle prédéfinie aussi "fondamentale et important" (pauvre personne).