Déterminisme et Sexualité/Genre

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clovis
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Déterminisme et Sexualité/Genre

Message par clovis »

Salut à tous !
Depuis maintenant quelques années, je m'intéresse fortement à la philosophie, et notamment aux théories de Spinoza sur le déterminisme; à savoir la doctrine qui s'oppose au finalisme. L'idée que tout n'est que conséquence d'un affect, et cause d'autre chose. Ainsi, chaque parcelle d'informations présentes dans notre univers peut être déterminée et anticipée en analysant les conditions initiales. Je m'intéresse également aux théories qui découlent de cette doctrine, notamment l'effet papillon et la théorie du chaos. A l'extrême, on pourrait alors décortiquer même les éléments les plus complexes de notre monde, en suivant un raisonnement qui consisterait à en trouver les affects, et en déduire les conséquences. C'est sur ce principe même que reposent la plupart des sciences.

Certaines œuvres de sciences fictions (notamment chez Isaac Asimov) se sont basé sur cette doctrine, en imaginant même un ordinateur surpuissant qui, prenant en compte en permanence chaque "action" de l'univers depuis sa création, des mouvements des corps célestes aux agitations des particules subatomiques, pourrait tout simplement prédire l'avenir; En effet, si l'on prend par exemple un humain. Ses actions ne résultent finalement que de connexions nerveuses, d'impulsions électriques dans son cortex cérébral, et de l'agitation globale de ses cellules et de son métabolisme. Imaginons que toute ces données nous sont connues (on a donc accès à sa mémoire, à son vécu par l'analyse même de l'activité de ses neurones). On serait alors apte à prédire le moindre de ses actes futurs, le déroulement de sa vie nous serait connu.

Mais la théorie du chaos vient briser cette fiction. Cette théorie traite de l'idée que notre univers est soumis à des changements trop complexes pour être déterminés, à cause de l'entropie. (Le déplacement des électrons autours du noyau d'un atome en est un exemple; le principe d'incertitude de Heisenberg en témoigne) Les représentations physiques symptomatiques de cette théorie sont les "fractales"; ces structures dont la complexité augmente de manière exponentielle, et dont la forme sera drastiquement différente même si les conditions initiales semblent identiques. (en vérité, elles nous semblent identiques du fait de l'incertitude de la précision de l'observation) Cette théorie explique donc la diversité presque infinie des flocons de neige, mais aussi de tout ce qui est présent dans notre univers. (notamment parce que l'environnement dans lequel tout évolue est lui aussi en perpétuel changement; ainsi plus le temps passe, moins il est probable voir impossible que 2 événements soient soumis aux mêmes conditions initiales)
Cette théorie est intimement liée à celle de l'effet papillon. Elle décrit le fait qu'un chamboulement drastique peut provenir à la base d'un simple titillement des conditions initiales.

J'espère n'avoir perdue personne jusqu'ici. J'aimerais maintenant appliquer tout ceci à la psychologie.
Il est extrêmement complexe de définir ce qu'est "quelqu'un", ce qu'est un "individu"; on simplifie la plupart du temps l'identité de quelqu'un par une liste de caractère définis qui lui sont propres. Mais il est très difficile de trouver l'origine de ces caractères, de répondre à la question "pourquoi suis-je comme je suis ?". Une infinité de facteurs entrent en jeux, tous soumis à la théorie du chaos. Ce qui fait que plus on essaie d'avoir de précision sur l'origine d'un caractère chez quelqu'un, plus l'analyse se complexifie.
La psychanalyse, par exemple, prend énormément de temps à porter ses fruits; on part d'un caractère particulier chez la personne (qui dans le cas d'une psychanalyse nécessite d'être "éradiqué" car toxique pour l'individu), et on tente de revenir à la source de ce dernier, pour en comprendre le fonctionnement.
Et pour beaucoup de ces caractères, la plupart des gens les accordent à l'inné. L'idée serait que notre patrimoine génétique définirait dès la naissance notre identité future. Chez la plupart des animaux, le parent transmet à la progéniture une "mémoire génétique", contenue donc dans l'ADN. Mais chez l'humain, beaucoup de théories portent à croire que nous sommes une espèce néoténique, et donc dénuée d'inné. (je vous invite à étudier la théorie de la néoténie humaine, c'est un sujet extraordinaire mais trop complexe pour être abordé facilement ici)

Je veux donc en venir au fait que je pense que tout nos caractères ne découlent uniquement que de l'influence de notre environnement sur nous.
Y compris pour la sexualité, et le genre.
Pourtant, je vois autours de moi énormément de gens qui croient fermement que dès la naissance, ces deux caractères seraient "gravés dans notre patrimoine génétique".
Quant-à moi, je pense que même ces caractères, si complexes à déterminer soient-ils, peuvent trouver leur source partout sauf dans l'ADN; à vrai dire, je préfère croire que le la météo du 27 septembre 2003 à Perpignan (un événement qui peut sembler anodin mais qui soumis à la théorie du chaos et l'effet papillon aurait donc pu m'affecter drastiquement sans le savoir) à défini ma sexualité aujourd'hui, plutôt que de me dire que dès la naissance les cartes étaient jouées.
Selon moi, remettre des caractéristiques aussi importantes dans notre société comme la sexualité ou le genre à une théorie finaliste, c'est ouvrir la voie à de nombreux stéréotypes dangereux (imaginez si les dirigeants de la manif pour tous apprenaient que l'homosexualité serait héréditaire...) et fermer toute idée d'évolution de l'individu.

J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez; j'ai essayé de décrire ici au mieux ce que je pensais de l'origine de nos différents caractéristiques (y compris la sexualité et le genre du coup), et j'ai essayé de résumer au mieux ce que j'ai retenu depuis 2 ans que je me questionne.
(Je voudrais ajouter que je suis parti d'un postulat uniquement scientifique, je n'ai nullement évoqué une toute autre origine de ces caractères qui pourrait être mystique ou ésotérique; Je ne dis pas là que je ne crois pas en ces forces, mais par leur nature même, il serait impossible de les "démontrer".)

Au risque de créer un clivage, je vous demande donc ; quel est votre avis sur la question ? Êtes vous plus finaliste que déterministe sur la question du genre et de la sexualité ? Et si oui, pourquoi ?
J'vais finir par devenir immortelle, si les meilleur.es partent en premier.es
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Iloy
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Re: Déterminisme et Sexualité/Genre

Message par Iloy »

J'ai déjà exprimé un peu mes idées sur le sujet ailleurs sur le forum. Ce qui est drôle c'est que j'utilisais la manif pour tous dans l'autre sens.

"On a défendu historiquement l'homosexualité comme innée pour la considérer comme naturelle, et ainsi briser les "peurs" des homophobes qui pensaient que l'environnement aurait une influence sur l'homosexualité. Si l'homosexualité est innée, elle ne peut pas être empêchée et dont ne peut être "guérie""

En vérité, je pense que l'imbrication inné et acquis est trop complexe pour qu'on puisse (pour l'heure) statuer définitivement sur la chose. Et tant mieux certainement. Tant qu'on vit dans (l'illusion) du libre arbitre, la civilisation continuera de fonctionner. Tout repose dessus.

Si je reprends ton passage sur la sexualité et le genre. L'ADN est lui aussi sujet à des mutations, à des erreurs de réécriture, à des perturbations extérieures, qu'elles soient issues du vivant, d'un agent ou par exemple de rayons.
Et l'inné comme on l'entend, ce n'est pas que l'ADN. C'est aussi l'ensemble des évolutions qui précédent la naissance. Après tout, il y a bien (eu?) cette "théorie" où la sexualité trouve sa source dans un certain signal électrique impulsé au fœtus lors de sa croissance.

Personnellement que des caractères fondamentaux soient acquis, ça ne m'étonnerait pas. Sexualité et genre compris - genre encore plus car il est social. Maintenant il faudrait faire des expériences peu éthiques pour s'assurer de tout ça.

Prenons l'exemple de Sparte (je crois bien qu'il s'agit de Sparte). Une société où le passage par l'homosexualité est nécessaire. Tout le monde s'y plie. Pourtant une fois venu l'âge où cette pression sociale se relâche, il semblerait que dans l'immense majorité les hommes quittent l'homosexualité. Certains restent avec des amants. Alors qu'est-ce qu'il faut comprendre ? La contrainte sociale n'étant plus, les hommes retrouvent leur identité sexuelle ? Innée ou acquise du coup ? Ou alors est-ce du mimétisme social ? En plus, les sources sont critiquables, ça ne nous avance pas...
J'aurais tant aimé cependant, gagner pour vous, pour moi perdant, avoir été peut-être utile
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clovis
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Re: Déterminisme et Sexualité/Genre

Message par clovis »

Je trouve intéressante l'idée de "l'inné comme argument",
je n'avais jamais conceptualisé ce point de vue auparavant.
Pour la manif pour tous, je pense bien que leur réel "pouvoir" est de transformer n'importe quel fait ou idée en "preuve", et je me rend compte maintenant que n'importe quel concept scientifique ou philosophique peut, selon notre volonté, être utilisé pour des fins malléables.
Une homosexualité par exemple, qu'elle soit inné ou acquise, dans le premier cas l'eugénisme pourrait être employé pour "éradiquer", dans le second n'importe quel moyen douteux pour "soigner"...
La question que je me pose, en fait, c'est si l'idée d'une personnalité définie de manière "innée" n'est pas effrayante pour vous. Cette pensée ne m'aide personnellement pas du tout à avancer, si l'idée que mon chemin sur certains points est déjà tracé. Au contraire le fait que ma vie sois soumise à d'éternels changements incontrôlables par personne me donne un sentiment de liberté (paradoxal si le déterminisme signe la fin du libre arbitre).
Bien sûr il existe une infinité de doctrines, de manières de penser, et chacun y trouve sa paix; mais je voudrais simplement savoir quelle est la vôtre, et principalement sur ces sujets.
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Iloy
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Re: Déterminisme et Sexualité/Genre

Message par Iloy »

Je ne suis pas un grand expert de la philosophie. Enfin j'ai une philosophie de vie et je m'y tiens, dès qu'on s'approche de la métaphysique, je m'éloigne.

Je suis d'accord avec l'idée que tout n'est qu'effet papillon, et que tout ceci est d'une complexité démesurée. Je ne crois pas dans un finalisme. Le déterminisme en sociologie est très intéressant, mais les conclusions qu'il apporte sont à la mesure du cerveau humain : trop simples devant la réelle complexité.
L'effet est si complexe que la généralisation, si elle est utile, est fausse en temps que règle.

Déterminisme comme finalisme viennent ensuite buter à ma philosophie de vie, qui s'inscrit dans l'illusion du libre arbitre, c'est une philosophie de l'action et du choix. D'un acquis, mais d'un acquis libre et de fait responsabilisant. Je ne m'y connais pas trop, mais ça ne doit pas être loin de l'existentialisme.

Si on se dit qu'on est uniquement déterminé, qu'on ne fait en somme que subir, les concepts de justice et de liberté sont balayés. Je ne suis pas sûr de vouloir vivre dans ce monde-là. C'est pourtant sûrement le cas, mais je ne l'imagine pas, je ne cherche pas à me forcer à l'imaginer. Car oui, le déterminisme est aussi froid et mathématique que profondément inconcevable à l'esprit. C'est comme parler de l'infini, on y met des mots, on conceptualise, on en tire même des connaissances. Par contre, on n'arrive pas à l'imaginer, le cerveau ne connait que la finitude.
Et c'est bizarre de se dire que si le monde est déterminé, notre cerveau n'est pas fait pour rendre compte de ce déterminisme. Au contraire, naturellement, il nous laisse croire tout le temps que nous faisons des choix, que nous pensons librement.

Donc l'idée d'une personnalité "innée" ou "acquise" ne m'effraie pas. La vérité doit bien être entre les deux. Par contre, je n'y pense pas plus que ça. L'action prédomine. Autrement dit, je m'intéresse davantage à la personnalité en elle-même au temps présent. En présupposant l'existence du "moi" comme une unité (mouvante) dans ce présent.
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Vince27
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Re: Déterminisme et Sexualité/Genre

Message par Vince27 »

Ce topic me fais penser à cette vidéo géniale qui aborde le sujet du déterminisme:
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