Un radical, c'est quelqu'un qui s'attache aux fondamentaux, qui s'attaque à la racine des problèmes pour les résoudre. Se radicaliser c'est donc la volonté de voir et d'agir sur les causes profondes. Donc sur l'entièreté de la société. Et potentiellement avec des méthodes radicales, sans compromis.
Autrement dit le radicalisme s'intéresse au centre, au cœur, quand l’extrémisme se définit par la marge, la proximité avec l'extérieur.
C'est tout à fait différent : le radicalisme est une doctrine en soi, l'extrémisme est relatif à une atmosphère. Par exemple, le gouvernement français actuel est radical dans sa politique, sans compromis, il applique son idéologie sans discuter. C'est le fameux "Révolution" de Macron.
Il n'a rien d'extrémiste, il est dans l'air de son temps, au côté d'un Trump écologique et d'une Merkel sociale, même si comparé aux anciens gouvernements de la Ve, il est le plus extrême dans ses propos, dans sa politique et dans son rapport avec la presse et la population. C'est d'ailleurs sur ce dernier point qu'on pourrait qualifier le pouvoir d'extrémiste, quand les grandes instances nationales et internationales condamnent verbalement la France et récompensent les travaux d'un journaliste comme Dufresne, là où le gouvernement s'enferme dans le négationnisme en traitant ces informations comme des fake-news. Après quand Macron s'allie de facto avec Orbán, un extrémiste, est-ce de l'extrémisme ?
Quant au rapport entre radicalisme, extrémisme et violence, il est là aussi particulier. Dans le radicalisme, c'est Machiavel, la fin justifie les moyens. Mais est-ce de l'extrémisme quand le premier à l'utiliser (et à user du principe d'amoralité), c'est l'Etat ? Là encore le gouvernement actuel est intéressant avec un durcissement des lois, une répression violente et une déresponsabilisation de sa propre violence, qui précède d'ailleurs la violence (c'est donc une menace). Le seul extrémisme dans la violence étatique que je vois clairement, c'est que la répression, le vocabulaire et les lois se sont durcies sur la période de contestation : le gouvernement s'est extrémisé par rapport à ce qu'il était avant. Mais en vérité, c'est simplement qu'il est radical. Ce n'est pas comme en Belgique ou en Algérie où le gouvernement a craqué dès les premières manifestations, là le gouvernement s'attache à des fondamentaux, à des fins. Il croit en son projet, presque divinement selon les propos de Macron. Et comme la situation autour de lui empire, alors les moyens qu'il utilise se font plus violents, s'extrémisent, mais ils ont toujours été là en possibilité.
Si j'utilise le gouvernement actuel et une bonne partie des médias qui le soutiennent, c'est pour sortir d'une vision où les intoxs et les mauvaises gens sont toujours ceux qui sont hors des beaux quartiers. La réalité est beaucoup plus compliquée que ça. Il y a un complotisme de l'anticomplotisme, très visible au sein de la majorité et des médias anciennement établis. Ce n'est pas pour ça que tout ce qu'ils racontent est à jeter. Mais il est faux d'imaginer que le complotisme, le racisme est le fait d'une classe inéduquée, populaire. C'est le gros problème des "élites" actuelles qui, enfermées dans un mépris de classe, ne voient pas qu'elles sont contaminées. Comme le complotisme, le racisme ne gagne jamais pas la masse, mais parce que son langage, ses mots, ses propos pénètrent dans les classes hautes, celles qui traditionnellement ont le pouvoir de communication et de fixer les mœurs et valeurs. La dédiabolisation ce n'est pas quand on s'autorise à avoir des propos infâmes dans le bar de Ginette, c'est quand ces propos paraissent acceptables dans les mains des journalistes, hommes politiques et intellectuels qui ne sont pas considérés comme des extrémistes. Aveuglement médiatique, aveuglement par le mépris.
On retrouve cette analyse dans le livre
Berlin, 1933.
Question de la violence, d'extrémisme et du rôle de la presse et des intellectuels, on est aujourd'hui le jour anniversaire de la Commune de 1871, et c'est un excellent exemple. La dernière révolution française, qui va échouer pour de multiples raisons, essentiellement par manque d'organisation et par naïveté. Une révolte qui part plutôt bien, relativement enjouée et pacifique, qui subit la violence exacerbée de l'Etat, qui s'extrémise de fait, mais beaucoup trop faiblement pour réussir, tant l'Etat pourtant ni radical ni extrême va méthodiquement les massacrer, sous les encouragements des journalistes, des intellectuels et les hourras des bonnes gens, terrifiés par un peuple bestial et profondément bête. Enfin bien sûr, il y avait aussi des intellectuels du côté révolté, ils vont devenir des boucs-émissaires d'ailleurs (sûrement parce que le peuple est trop bête pour décider de lui-même). Dans ce théâtre ensanglanté, on trouve des croisés, des deux côtés. Mais du côté insurgé, les croisés voulaient rallier, de l'autre ils voulaient purger. Pour l'époque, rien d'inacceptable, ni le feu, ni le sang.
Pour un petit article sur la responsabilité de la presse dans le massacre de la Commune :
http://lvsl.fr/responsabilite-de-presse ... e-de-paris