Comme d'autres l'ont dit avant moi, c'est compliqué de se définir asexuel.le, et ça ne se fait souvent pas sans un lot de questions, de doutes et d'incertitudes. On nous apprend à vouloir certaines choses, à fixer certains accomplissements comme des absolus (un couple, un travail, des enfants, etc), à tel point qu'on a du mal à imaginer dévier de ces standards là. Il m'a fallu du temps pour accepter que je ne n'étais pas hétéroromantique, encore plus de temps pour accepter que j'étais asexuelle et encore plus pour réaliser que j'étais aromantique. Et aujourd'hui encore je me pose beaucoup de questions même si je vis bien ma situation. Déjà, comme tu l'as relevé, avoir une libido, c'est pas incompatible avec l'asexualité. Alors certes, ça peut être embêtant si tu n'as pas l'intention de l'écouter, et c'est un peu normal de te dire que tu t'en passerais bien mais au final ça veut juste dire que ton corps fonctionne.
Les difficultés avec le contact physique (on est peut-être dans l'haptophobie ?), c'est une donnée à part entière, et je crois que c'est avant tout une question d'être à l'aise avec quelqu'un. Un contact, c'est une invasion de ton espace personnel, on nous apprend à en accepter beaucoup sous prétexte qu'il s'agit de normes socio-culturelles, mais enfin de compte il s'agit quand même de prendre sur nous pour autoriser cette proximité. Quelque part, on nous dérobe un peu de nos choix (le fait de faire la bise par exemple). Alors que ton amie, tu la connais, tu es à l'aise avec elle, tu peux accepter cette proximité sans difficultés. Dans une potentielle relation de couple il en serait sûrement de même : cela te demanderait peut-être du temps, mais la confiance aidant tu finirais par réduire tes réserves. En soi c'est un peu naturel d'avoir du mal à l'imaginer pour le moment au vu de tes expériences (ou absence de), c'est pas quelque chose qui se force.
Et le besoin d'amour, c'est toujours égoïste au fond. Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas aimer la personne en retour, mais le besoin de se sentir aimé, valorisé, de compter pour quelqu'un, c'est élémentaire, ça ne fait pas de toi quelqu'un de narcissique ou d'égoïste, c'est une expérience universelle. Et paradoxal, je pense que ça l'est moins que tu ne le crois : plaire à quelqu'un ne suffit pas, encore faut-il que ce soit une personne à qui on veut plaire. Oui, ça peut être flatteur, mais si l'intérêt n'est pas un minimum réciproque, tu risques effectivement de te sentir repoussée plus qu'autre chose, voire un peu sale. Et même quand c'est quelqu'un que tu apprécies, la peur de l'intimité peut faire fuir. Mais selon l'attachement que tu formes envers la personne, ce sera plus ou moins aisé de le faire : si ton affection est suffisamment grande, elle surpassera tes craintes - je suis un peu passée par là aussi, ça n'a pas été facile et j'ai plusieurs fois été tentée de fuir. Mais sans parler de "bonne personne" (un discours qui me fatigue beaucoup), je pense qu'on peut parler des personnes qui valent plus l'effort que d'autres, et ce tri là tu le feras un peu inconsciemment. Pour moi ça veut surtout dire que les personnes à qui tu plaisais ne t'emballaient pas autant en retour.
Après je pense que le fait de romantiser la relation sexuelle, c'est un peu la faute de la société et des médias qui nous vendent ça comme la consécration de l'amour romantique. J'avais également cette vision de l'acte comme une union, quelque chose de symbolique. Je ne l'ai pas vraiment perdue d'ailleurs, j'ai juste accepté que ce n'était pas pour moi, un peu comme quand tu vois un vêtement et que tu te dis qu'il doit rendre super bien sur certaines personnes, mais que tu ne te vois pas le porter toi-même, si ça fait sens. Du coup je suis assez contente de reléguer ça aux autres et de ne garder que l'aspect fantasmé de la chose.
Quant à la peur de vieillir seule, je pense que c'est à relativiser. Ce n'est pas parce que tu n'es pas en couple que tu es seule, tu dis toi-même qu'il y a des gens autour de toi, qu'ils ne vont pas disparaître comme ça. Et d'ailleurs, l'amour romantique ce n'est pas un engagement à vie non plus, personne ne sait ce qui peut arriver. Je pense que c'est important de savoir vivre avec soi autant que d'apprécier le contact des autres. Mais en tout cas, être ace ne te condamne pas au célibat. Courage, et bienvenue à toi.

"Though my soul may set in darkness, it will rise in perfect light, I have loved the stars too fondly to be fearful of the night." ― Sarah Williams