Salut! FCK, 30 ans, Perpignan (France).
Je suis homo-asexuel depuis 3 ans 1/2, je ne bois pas d'alcool, j'ai des rapports aussi compliqués et problématiques que vous avec le monde et les Autres, le même type d'angoisses existentielles et de questions métaphysiques...
Je le dis sous le ton de l'humour mais j'avoue que j'ai lu tous les messages de ce forum avec un sentiment à la fois affectueux et un peu douloureux, un peu comme si je voyais mes frères et soeurs confronté(e)s aux mêmes obstacles que moi. Enfin, je ne veux surtout pas me lamenter (c'est pas vraiment mon genre!), y'a pire comme dans la vie que d'être asexuel (ou croîre l'être)!
Etre "A", c'est comme être gay, black, juif ou autre: ça n'est ni gênant ni douloureux en soi, ça peut l'être dans le rapport aux autres et à la société (assumer sa différence, appartenir à une minorité, faire face à l'intolérance de certains).
Comme vous, ma libido (qui n'a jamais été très prolifique) s'est progressivement estompée. Il y a des réminiscences parfois mais c'est rare et ne dure pas. Mon entourage me voit comme un "éternel célibataire" mais j'ai réussit à imposer une sorte de distance tacite à ce propos qui fait que plus personne ne s'aventure plus à me poser de questions là-dessus. Par ailleurs, je me suis affirmé et imposé en tant que gay depuis mon adolescence.
J'ai accepté mon asexualité aussi facilement que je l'avais fait pour mon homosexualité, sans angoisses ni culpabilité: en étant intimement convaincu qu'il s'agit d'une chose fondamentalement naturelle. Dans ma nature en tout cas et c'est tout ce qui m'importe. J'ai assez de respect pour moi-même pour ne rien m'imposer que ne je désire vraiment!
Un seul et unique point me dérange cependant: la solitude. Si j'ai des tonnes d'ami(e)s plus merveilleux(ses) et exceptionnel(le)s les un(e)s que les autres, j'aimerais vraiment m'épanouir au sein d'un "couple".
L'un(e) d'entre vous avait soulevé la question des rapports avec les sexuels, je ne me souviens plus qui. De mon expérience j'ai appris que former un couple asexuel-sexuel est impossible: par définition, ils ont besoin de sexualité!
Donc ça ne peut pas tenir longtemps car ils finissent par être trop frustrés.
L'idéal est de former des couples de "A", évidemment. Moi je rêve d'un homme comme moi, avec qui je partagerais des tas de choses, avec qui je pourrais construire une relation stable et durable, basée sur la complicité intellectuelle, l'humour mais aussi l'affection, la tendresse, la douceur. Pas une sexualité "traditionnelle", régulière, car j'en suis incapable mais tout de même,
je me dis que le fardeau de la vie doit être plus facile à porter à deux.
Moi aussi j'essaie de réguler et organiser ma vie du mieux que je peux et je tombe parfois dans les excès et la culpabilisation (cf.
Frédéric et
Heimdall). En revanche, je déteste que l'on me brusque, tous ceux qui tentent de me dominer ou de mettre des limites à mon indépendance me rendent fou de colère et d'agressivité!
Je dépense un temps et une énergie considérables pour tenter de décrypter et comprendre les autres et ce monde. J'ai l'impression d'être inapte au bonheur, les plaisirs (comme la sexualité) me sont problématiques. Je crois que je méprise le plaisir quelque part. Etre amoureux rend les gens si bêtes et pathétiques... et le bonheur anesthésie leur intelligence et les rend suffisants et aveugles.
Peut être sommes-nous une sorte "d'avant-garde", les premiers à manifester (même de manière inconsciente, intuitive) leur rejet de cette société ultre-sexualisée, de consommation de masse, même des corps humains. Gaspillage et gâchis colossaux de ressources, d'argent, de matières, de chairs et de corps. Peut être est-ce sain, cette rupture manifeste avec le "monde d'hier", celui de nos parents, des baby-boomers jouisseurs et vindicatifs? En plus d'être A et de ne consommer ni alcool ni drogues, je suis également végétarien, ça me parait comme un aboutissement naturel de mon parcours intellectuel.
La sexualité, comme les valeurs et les objectifs imposés de cette société ne satisfont pas mes apirations, plus absolues, abstraites et intellectuelles. Evidemment, nous faisons "tâche" dans un monde du "tout consommable et jetable" où tout le monde semble vouloir profiter au maximum de tout, vite: quête effrénée et insensée d'achats et de baise.
Nous passons pour des ascètes, avec nos vies tièdes d'intellectuels dont les valeurs vont à contre-sens du tsunami consumériste et jouisseur.
Je viens de me relire et je me surprends!
mon discours semble âmer, pessimiste...
Pourtant, je me vois comme quelqu'un de fondamentalement optimiste et ma vie est très remplie, colorée. Ma vison des choses n'est pas si noire, j'ai juste voulu me lancer dans une tentative d'explication de nos parcours, une piste parmi d'autres. Mais je pense qu'il y a "de ça" dans ce que nous ressentons, même si c'est de l'ordre de l'inconscient, de l'intuitif, pour la plupart d'entre nous. C'est fou comme l'écriture libère des sentiments et des réflexions dont on soupçonnait à peine l'existence en nous...
Je vous embrasse, mes soeurs et mes frères!