Se trouver dans un monde sexuel

[montrealais]

En tant qu'asexuel, je me sens souvent exclu de ce monde dominé par les sexuels. Les gays et les lesbiennes ont leurs propres communautés et institutions (organismes communautaires, bars, clubs, voire croisières aux Antilles), et ils se reconnaissent plus ou moins facilement. Nous, par contre, nous sommes plutôt isolés. Je ne connais pas d'autre personne asexuelle ni ne sais-je où en trouver.

Une asexuelle ici a parlé de la même difficulté. Elle a téléphoné Gay-Écoute (une ligne d'écoute ici à Montréal) pour chercher du soutien et on lui a dit scandaleusement qu'il faudrait consulter un psy - l'asexualité n'étant pas normal, d'après lui. Quelle déception que d'entendre dire de la bouche d'un gay que notre sexualité est psychopathologique ! Ça ne fait pas longtemps que les gays aussi étaient considérés névrosés...

Il est souvent même difficile de faire des amitiés. Beaucoup de gens s'isolent dans leurs petits couples et n'ont pas beaucoup de temps pour les autres. D'autres cherchent une relation sexuelle, ce qui ne nous convient pas.

[Gianni]

Une asexuelle ici a parlé de la même difficulté. Elle a téléphoné Gay-Écoute (une ligne d'écoute ici à Montréal) pour chercher du soutien et on lui a dit scandaleusement qu'il faudrait consulter un psy - l'asexualité n'étant pas normal, d'après lui. Quelle déception que d'entendre dire de la bouche d'un gay que notre sexualité est psychopathologique ! Ça ne fait pas longtemps que les gays aussi étaient considérés névrosés...

Ce n'est pas un cas unique... en parcourant le forum, tu verras d'autres témoignages dans ce sens... C'est un monde aussi très sexuel, et beaucoup de gays se sentent triste de ne pas pouvoir rencontrer l'âme soeur, mais que des gars voulant un corps nouveau pour une nuit...

Je pensais aussi comme toi, mais me suis rendu compte de n'être pas aussi seul que je le pensais. Beaucoup de personnes portent un masque, se disent S, se forcent à l'être, juste pour être aux normes de la société... Depuis que j'ai commencé à parler asexualité, j'ai été surpris de voir tomber quelques masques, qui cachaient soit des A soit des hyposexuels...

[montrealais]

Oui, j'ai connu des gays tristes de ne pas pouvoir rencontrer l'âme sœur (l'âme frère ? ) à cause de la maudite folie pour des histoires de cul.

Pour ma part je suis naturellement activiste, donc prêt à parler asexualité, sans pourtant la crier sur les toits. Mais il n'y a pas énormément de monde ici avec qui je puisse en parler. J'en ai discuté avec quelques amis et, bien sûr, avec les deux femmes avec lesquelles j'ai eu des relations intimes mais entièrement non-sexuelles. Toutes ces personnes sont sexuelles, même archi-sexuelles dans plusieurs cas. Je n'ai pas vu tomber des masques, mais je sais bien que bon nombre de personnes en portent. Mais où sont-elles?...

[Daï]

C'est marrant cette manie qu'ont les gens de nous dire à tout bout de champ de consulter un psy dès qu'on est un peu différent d'eux (et que ça leur fait peur). Pour moi, la réaction de la personne de Gay-Écoute me fait penser que c'est plutôt lui qui en aurait besoin.

Je comprends ce que tu dis Montrealais dans ton sentiment d'isolement, je le connais aussi. Mais je le vis bien. Mieux qu'avant. La vie qu'est la mienne, fait que j'ai été isolée de la société très tôt, avant même de soupçonner mon asexualité. Donc, être A n'est qu'une petite raison de plus qui m'exclue définitivement du moule commun de la société. C'est pas grave, ça m'empêche pas de continuer mon bonhomme de chemin. Et pis, ce parcours bizarroïde que je suis me fait rencontrer des gens des plus intéressants du coup alors je regrette rien

[montrealais]

Oui, c'est frustrant d'entendre le mot « consulter » chaque fois qu'on aborde notre asexualité. Puis si jamais on consulte, on est presque assurés que le psy décidera tout de suite « Ah, voilà l'origine de tous vos problèmes ! ». Tu peux baiser des hommes, tu peux baiser des femmes, tu peux même baiser des chiens - mais si tu dis « Mais je ne baise personne, ni ne souhaite baiser personne », alors là t'es malade...

Content, Daï, que tu as su maîtriser ton sentiment d'isolement. Comme toi, je n'ai jamais été dans le moule commun de la société, et l'asexualité n'en est certainement pas la seule raison. Je l'accepte ; je ne voudrais pas être comme les autres. Pourtant l'isolement me scie parfois. Je ne rencontre que rarement des personnes intéressantes.

[Daï]

Tu sais, je ne pense pas que le fait d'être A nous isole plus que les autres. Sauf que l'on porte moins justement un masque que les autres. Les relations sont devenues fausses avec le temps (je ne dis pas que c'était mieux à un autre siècle hein!). Et on fait vraiment partie des gens qui préfèrent être seuls que mal accompagné, même si beaucoup se vantent de suivre ce proverbe, c'est faux!

Le fait est que beaucoup d'asexuels abordent les relations humaines de manière différente et je pense qu'un retour aux sources serait pas plus mal, y compris pour les S. Je vis à Paris, j'observe les gens, j'écoute. Et je sens que les amitiés joyeuses et les amours passionnés qu'ils veulent montrer au public transpirent de fausseté. Par exemple, une nana embrasse son "chéri" avec fougue dans le métro et une fois seule l'instant d'après appelle sa copine pour lui dire à quel point il l'ennuie profondément, y compris au pieu. Des exemples comme ça, y'en a à la pelle. Et pourtant, cinq minutes plus tôt, ils avaient l'air du couple parfait...

[montrealais]

L'insincérité me déplaît énormément. Beaucoup de gens réclament des dizaines d'« amis » qui à mon avis ne sont que des connaissances. Pour moi, l'amitié comprend l'intimité (mais pas sur le plan sexuel dans mon cas, bien entendu). C'est une perle rare et précieuse, pas un morceau de plastique qui se trouve à tous les coins de la rue.

Je crois que je pourrais vivre en couple, avec une femme ou bien un homme, mais il me faudrait ma propre chambre et pas mal de temps tout seul.

[Syd]

Et je sens que les amitiés joyeuses et les amours passionnés qu'ils veulent montrer au public transpirent de fausseté. Par exemple, une nana embrasse son "chéri" avec fougue dans le métro et une fois seule l'instant d'après appelle sa copine pour lui dire à quel point il l'ennuie profondément, y compris au pieu.

L'image que les gens donnent d'eux-mêmes importe plus que la réalité derrière cette image. Avoir l'air heureux est plus important que l'être, ou plutôt comme on vit dans une société où même le bonheur semble devenu une obligation, avoir l'air non heureux (je ne dis pas "malheureux") est vécu comme la dernière ringardise.

[Lilly]

"tu peux pas etre heureuse comme ca"
"Va voir un psy"
"T'est pas normal"

Ah la la j'en ait marre d'entendre ca!

Et ben si je suis heureuse et non je ne suis pas anormale!
C'est pas possible d'etre aussi intolérent!
Moi je pense que c'est justement le fait qu'on soit tous différent qui fait notre richesse!

Franchement si on était tous pareil on s'ennuirait non?

[montrealais]

Je ne suis pas heureux, mais ce n'est pas à cause de mon asexualité. Les gens présument que nous sommes sexuels (car l'asexualité n'existe pas, d'après eux) et donc pas heureux pour n'avoir pas de relations sexuelles.

Franchement, les sexuels sont fort souvent malheureux à cause de leurs difficultés sexuelles, puis ils osent nous imposer la sexualité...

[Daï]

Je pense que tu ne relativises pas assez et que tu as encore une part de fragilité.

Franchement, les sexuels sont fort souvent malheureux à cause de leurs difficultés sexuelles, puis ils osent nous imposer la sexualité...

Il faut pas non plus mettre tous les S dans le même panier, beaucoup s'insurgent contre la "sexualité-marchandise" dont on nous matraque la tête à notre époque. Et en tant que A, il faut pas non plus se sentir supérieurs aux S parce qu'on est au moins débarrassé de nos pulsions sexuelles. On en a d'autres comme eux.

Les gens présument que nous sommes sexuels (car l'asexualité n'existe pas, d'après eux) et donc pas heureux pour n'avoir pas de relations sexuelles.

Et? A cause de mon physique "avantageux", les gens s'imaginent que je suis une incorrigible coquine qui a de folles nuits et de nombreux amants. Les pauvres, s'ils savaient... ils iraient tout droit me faire une déprime. Laisse-les s'imaginer ce qu'ils veulent.

Tu sais, les gens ne sont pas malheureux en général à cause de leur sexualité, mais de leur trop grande envie de possession vis à vis de l'autre. Les A en sont un peu plus libérés déjà.

[montrealais]

Non, je ne les mets pas tous dans le même panier. Je connais des sexuels qui sont très actifs, dont certains même à un âge avancé. J'ai des amis hypersexuels et je parle volontiers avec eux de leurs relations, même de ce qu'ils font au lit. Je ne me sens nullement supérieur à eux, juste différent.

J'ai juste marre d'être mal compris. Rares sont ceux qui nous acceptent tels quels ; nous avons habituellement droit à une kyrielle de « t'es pas normal », « faut consulter », « t'es gay », « on t'a violé », « tu caches quelque chose »...

[Daï]

Ah ça... je crois qu'il faut s'y faire, il y aura toujours des gens (une majorité) pour ne pas nous comprendre. Les gens qui t'ont fait ce genre de réflexions, ont sûrement un problème eux-mêmes. Par exemple, ceux qui m'ont dit que j'étais mal baisée (expression très à la mode en ce moment) étaient ceux qui étaient frustrés justement et qui cherchaient à me mettre dans leur lit . C'était peut-être le cas aussi de ces personnes là, non?

Généralement, il faut pas chercher à insister avec les gens que tu sens fermés. Et même dans cent ans (au pif), il y en aura toujours pour trouver ça pas normal de ne pas avoir de sexualité. C'est pas grave, chacun son avis hein! Mais être étroit d'esprit, un jour ou l'autre, on le paye, t'en fais pas pour eux

Ah et puis, ce genre de réflexions, vaut mieux en rire, tu crois pas? (mais c'est vrai que c'est lourd à force, j'avoue)

[montrealais]

Mais entre-temps, comment briser son isolement en tant qu'asexuel ?

[Daï]

Ce n'est pas plutôt de solitude dont tu souffres? L'isolement est beaucoup plus fort quand même, attention. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que cela vienne de ton asexualité. La solitude ou l'isolement, tout le monde y est confronté et c'est encore plus d'actualité avec les relations qui se détériorent. Seulement, les S peuvent faire semblant, pas nous.