
Je ne m'attarderai pas sur la forme conceptuelle qui intéressera sûrement peu de monde (il s'agit d'un montage à la fois anarchique et cohérent de vieilles bandes dessinées au texte entièrement modifié, ce qui crée un décalage complet entre prose crûe et personnages vieillots) mais sur les idées qu'expriment cette oeuvre, dont la théorie pourrait être résumée en : les filles n'ont rien à gagner à se comporter comme de grosses chaudasses sans coeur, elles croient être libres en s'affranchissant des contraintes morales de leurs aînées, mais ce n'est pas en trainant les mecs à leurs pieds qu'elles s'émanciperont réellement.
J'ai trouvé ça très intéressant que cette problématique soit développée par des gens de gauche, qui viennent du Punk. On a tellement l'habitude que la dénonciation des points néfastes de 68 soit confisquée par les vieux réactionnaires, qu'on en oublierait presque que le Punk c'est aussi le rejet des hippies qui passaient leur temps à baiser et fumer au lieu de se révolter. Toute une frange du Punk hardcore, le mouvement straight-edge, dénonce même les drogues comme la première aliénation de la jeunesse, se bourrer la gueule étant très contre-productif quand on veut faire la révolution.
La théorie de ce bouquin, c'est que l'erreur du féminisme de 68 a été de pousser les femmes à devenir aussi égoïstes, insensibles et obsédées sexuelles que les hommes. La métaphore filée du Miroir de Psychoses, c'est l'amant rabaissé au rang de chien, à la fois servile (il doit tout faire pour satisfaire sa conquête, comme le lui disent les rubriques cul des magazines), plein de culpabilités ancestrales ("si je suis trop autoritaire je deviens le macho, si je suis trop tendre je ne suis plus un mâle") et d'appréhensions (c'est tout un boulot de satisfaire sa conquête, c'est stressant, ça fout la pression). De plus, les comportements affectifs sont inversés : la jeune fille ne veut pas s'attacher trop à un garçon, a peur de l'Amour qui dure, préfère multiplier les aventures, n'ose pas pleurer...
Deux contradictions sont aussi pointées du doigt :
- l'amante moderne veut pouvoir disposer comme bon lui semble de ses étalons, ce qui induit une dimension de faiblesse chez ces derniers, mais à la fois elle reste accrochée aux clichés masculins de virilité (un bon amant c'est une grosse Tutute, pour parler vulgairement)
- la femme moderne ne veut absolument pas ressembler à la 'princesse nunuche' d'antan (affirmation de son caractère), mais à la fois pour séduire elle use de cet artifice de base qui est d'être idéalisée et impersonnalisée au maximum (sans sincérité, 'sans goût et sans visage', c'est mieux pour la séduction et en plus c'est moins risqué de pas se dévoiler)
Je voulais savoir ce que vous en pensiez... C'est une vision des choses qui rejoint pas mal la philosophie de l'asexualité, non ? Le grand challenge c'est d'arriver à corriger les errements de ce premier féminisme pour en créer un nouveau, tout est à inventer !

(et puis c'est particulièrement réjouissant de lire ce bouquin quand on a été traumatisé sentimentalement par des filles, ça met en relief leurs défauts
