Baelfire a écrit : ↑14 janv. 2019, 15:19
En effet. Je suis loin d'être une spécialiste mais en Europe voisine en tous cas on a pu à peu près assister au même schéma . Cependant les autres n'ont pas eu besoin de faire 1789 (et les trop longues années qui ont suivi derrière) pour en arriver là. On peut donc supposer que ce mouvement de violence extrême qui a caractérisé la France était au final...gratuit. Une sorte d'exutoire en fait. Après je pense que si on a rien reproché aux Anglais c'est parce que eux leurs têtes royales sont toujours là. C'est une supposition j'en sais rien.
Ce qui est ressorti de bien tout de même c'est la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. Pourtant je suis intimement convaincue qu'on avait pas besoin de 1789 pour en arriver là. Ca se serait fait quand même.
Enfin. On ne refera pas l'Histoire passée
Juste pour les Anglais. Très rapidement. Quand la première révolution anglaise éclate, le Roi s'enfuit par deux fois, d'abord il s'établit à Oxford, puis capturé il s'enfuit à Wight, puis il cherche le réconfort chez les Ecossais, qui finalement le trahissent. Il est décapité à Londres le 30 janvier 1949. Entre temps, ces partisans ont été pas mal liquidés. République pendant un peu plus de dix ans, république bourgeoise, rigoriste, religieuse, avec une forte tendance à la tyrannie. Les Irlandais ont beaucoup apprécié les massacres, et ça explique toujours les forts ressentiments là-bas. Cromwell meurt, son fils arrive au pouvoir, mais finalement il refuse le pouvoir. Le général Monck restaure la monarchie avec Charles II puis Jacques II. C'est la restauration, et de nouvelles têtes roulent au sol.
Ces deux rois font des tentatives d'absolutisme et de catholicisme, alors que le parlement tente l'exact inverse, ça rééclate en 1688-9. Jacques II est dégagé, il fuit chez Louis XIV. Guillaume III d'Orange-Nassau, un stathoulder hollandais, avait débarqué en Angleterre avec la complicité de nobles anglais, Jacques II avait voulu contrer l'invasion, mais devant les défections de toute part, il a pris peur et a fui. Guillaume III prend le pouvoir et signe la Bill of Rights. Le parlement est satisfait. Le pays va encore connaître ses violences, mais l'Angleterre moderne est fondée.
Pour le reste de l'Occident, je ne vais pas faire d'uchronie sur le pourquoi il n'y a pas eu de "
mouvements de violence extrême" comme en France. Mais deux choses :
- Il y en a eu.
- La Révolution Française est européenne.
Il y en a eu. Avant 1789 et après 1789. La Révolution Américaine par exemple, mais pas de roi décapité car il était dans un autre château. On a la Corse aussi, on en avait parlé plus haut, de 1729 à 1769. Tout le XIXe siècle, c'est l'éveil des peuples et des nations. En 1848, toute l'Europe flambe. Suisse, France, Allemagne, Italie, Hongrie, Autriche, Roumanie, Pologne... La plupart du temps, la répression sera terrible. Mais 1848 est loin d'être un cas à part. On a la situation dans les Balkans, Grèce comprise, l'unification de l'Italie, de l'Allemagne (en humiliant la France et en déclenchant indirectement la Commune de 1871). En Espagne, on enchaîne insurrection sur insurrection.
Pour le reste du monde, l'Amérique du Sud, je connais moins, mais il y a Bolivar. La Chine va connaître une des pages les plus violentes de l'histoire de l'humanité avec la révolte des Taiping, l'Inde aussi... En vrai, il y en a partout, ça n'arrête pas.
En France, ça se calme après 1871 globalement. Dans les autres pays, avec les échecs d'émancipation et de libération des peuples, ça va continuer. On a les multiples insurrections russes, la situation ottomane et balkanique... qui précipite le monde dans la Première Guerre Mondiale. Cette guerre détruit les empires : l'Ottoman et l'Autriche vont disparaître avec la fin de la guerre, mais pendant la guerre même l'Allemagne et la Russie subissent des révolutions. Deux grosses révolutions pour la Russie en 1917 et après une guerre civile, avec des tentatives de libération des peuples, parfois réussies (Pologne). L'Allemagne fonde Weimar sur le sang de la ligue spartakiste. Mais ce n'est pas fini pour l'Allemagne qui subit révoltes et insurrections jusqu'au moins en 1923. Pour l'Irlande, la guerre d'indépendance de 1919-21, cette fois-ci c'est la bonne, ils n'ont même pas eu besoin de l'aide française comme en 1798, sauf que l'Irlande sombre dans la guerre civile jusqu'en 1923.
Ensuite la Révolution Française a touché toute l'Europe. Même avant Napoléon, mais il va avoir un grand rôle là-dedans. Les idées de la Révolution Française vont traverser les frontières, les armées vont reformer l'Europe. Le Saint Empire Romain Germanique disparaît, la Pologne renaît momentanément, l'Italie et l'Allemagne vont connaître quelque chose qui certainement accéléreront leur unification. Les Pays-Bas, le Luxembourg et plus tard quand elle se révoltera la Belgique sont des pays issus de la Révolution Française. D'ailleurs le drapeau tricolore apparaît lors de certaines révoltes et révolutions dans ces pays-là (et c'est peut-être pourquoi Luxembourg et Pays-Bas semblent arborer des variantes du drapeau français, c'est une des théories sur l'origine de ces drapeaux).
Au final, la "
violence extrême" de la Révolution Française, c'est une lentille déformante. On ne voit que l'histoire française, on ne regarde pas ailleurs et on ne voit pas les interconnections. La Révolution Française est juste plus médiatisée que le reste et a subi une forte propagande sur sa violence, pour empêcher d'autres révolutions de se produire. En France, comme ailleurs. La France de 1789, c'est l'équivalent des Etats-Unis d'aujourd'hui. Une superpuissance que tout le monde regarde avec attention, crainte ou admiration.
La société pré-révolutionnaire se caractérise par une extrême violence, qu'on retrouvera à peine plus lissée à la révolution, et ainsi de suite. La même chose s'observe dans les autres pays. Petit à petit avec la révolution industrielle mais très très lentement, la violence va devenir plus imperceptible, chassée dans les faux-bourgs, dans les taudis, elle devient une violence avant tout sociale, mais toujours très armée. Mais notre perception de la violence tolérable, uniquement systémique ou presque, elle est surtout issue de l'après 1970.