1)Bonjour, dans un premier temps, pouvez vous vous présenter à nos lecteurs?
François, 43 ans enseignant-chercheur. J'ai vécu en couple pendant plus de 20 ans et j'ai deux enfants.
2)Qu'est ce que l'asexualité?
La définition la plus simple est celle que l'on retrouve sur le fronton des forums sur l'aseualité: "l’asexualité est l’absence d’attirance sexuelle pour les autres."
Une fois que l'on a dit ça, on a bien défini le critère canonique du terme. Il convient néanmoins de compléter cette définition par quelques détails permettant de lever quelques ambiguités. Cette absence ne provient ni d'un blocage physiologique, ni d'un blocage psychologique. Ce n'est pas non plus une privation comme l'est l'abstinence. C'est juste que "bof, ça ne tente pas ni ne manque".
Pour antant, un(e) asexuel(le) peut se masturber, peut être fétichiste. Ce n'est pas donc une question de sexe, mais de relations sexuelles avec une autre personne. Les câlins, bisous ne sont pas non plus antinomiques avec asexualité.
Les relations sexuelles peuvent être acceptées, par exemple pour avoir des enfants ou pour faire plaisir à l'autre. Ensuite, si l'on rentre dans les détails, BLAH demi, gray ETC.
Être asexuel(le) ne signifie pas toujours rester seul(e), ne pas être en couple. Il existe des couples asexuels qui vivent fort bien. Là où ça se complique souvent, c'est dans les couples mixtes, sexuels-asexuels, où malheureusement les deux partenaires n'ont pas la même conception des choses. Que faut-il faire dans ces cas-là ?.. C'est une vaste question sans réponse unique.
3)Quand en avez vous entendu parler la première fois?
Lorsque j'ai cherché à comprendre si j'étais le seul à ne pas avoir envie de rapports sexuels, m'en passer fort bien et avoir toujours trouvé que c'était une corvée lorsque j'ai dû y sacrifier. C'était il y a environ un an.
4)Comment avez vous pris conscience de votre asexualité?
Ça complète la précédente question. En fait, j'ai toujours été rebuté par les histoires de sexe. Durant mon adolescence, tout ceci m'était complètement étranger. Pas de petite copine, aucune attirance pour les amourettes, ni la masturbation, ni les revues ou films érotiques. Bref, je ne comprenais vraiment pas ce qui faisait courir les autres de mon âge après ces choses. Et à cette époque, on n'avait pas Internet pour se renseigner, donc on faisait avec.
Ensuite, durant mes études j'ai rencontré une fille avec qui j'ai vécu ensuite pendant 20 ans. Je redoutais le moment fatidique où je serai confronté à la question du "on fait pilou-pilou ?" Ça c'est fait. Bon, comme souvent il paraît, la première fois fut peu probante. Mais je me suis dis que c'était peut-être une question d'inexpérience. Pour autant, je n'avais pas plus envie que ça de ressayer. Mais bon, la vie faisant son chemin, la vie de couple l'a fait aussi. Assez heureusement, ma compagne s'accommodait de mes efforts (sans qu'elle ne le sache d'ailleurs). Nous avons deux enfants, des jumeaux (à mon heureuse surprise: deux d'un coup, c'était une série d'essais en moins ^^) Et puis un jour le couple a cédé, pour d'autres raisons. Et un jour, j'ai *enfin* pris la *liberté* de chercher à comprendre sans trahir ni tromper plus personne, ce qu'était l'absence d'appétence pour les plaisirs charnels. Et là, révélation, je n'étais pas le seul et il y avait même un terme pour designer les gens comme moi. Au bout de 42 ans... il était temps.
5)Comment se vit elle au quotidien?
Je vais donner une réponse en deux parties. La première: lorsque j'étais en couple, la seconde depuis que je n'y suis plus.
Donc, "avant", je pense avoir eu la chance d'avoir une compagne pas trop demandeuse. Je ne me souviens plus trop, mais 3-4 fois par mois suffisaient. Je m'y consacrais de bon coeur pour elle. Mais je dois avouer que chaque fois que c'était fini, je me disais "ouf, affaire classée pour la semaine". Je le faisais pour elle.
Maintenant, je le vis fort bien puisque étant divorcé, je n'ai plus personne avec moi
Donc c'est nettement plus serein, pas besoin de savoir s'il serait temps de faire des efforts
6)Y'a il une nécessité du coming-out asexuel?
Je ne pense pas. Du moins, pas avec tambours et trompettes. Par contre, il est tout à fait possible au cours de discussions entre amis, personnes un peu proches, de dire que "bin non, le sexe, pas pour moi". Il m'est arrivé lors de discussions portant sur "ça", ou sur "tu as retrouvé quelqu'un" ou "tu cherches quelqu'un" de dire que non merci, je n'étais pas intéressé et que je m'en passais fort bien, sachant que, hormis les lettres de motivation et les formulaires administratifs, bien peu de choses ne me messeyaient plus que les relations sexuelles. Le mot asexualité n'a jamais été prononcé, mais mon opinion était sans équivoque. D'ailleurs, le fait que personne ne m'ait dit "ne serais-tu pas asexuel ?" montre bien la méconnaissance des gens envers cette orientation.
7)Largement méconnu du grand public,à quelles réactions vous exposez vous lorsque vous évoquez votre orientation?
Comme je le disais ci-dessus, je n'ai jamais prononcé le mot "asexualité". Par contre, les remarques sont toujours du style "Ah bon ? Jamais ? Tu fais comment pour vivre sans ? Moi je ne pourrais pas.". De par mon statut de père et de "vieux"
on m'épargne désormais le "c'est parce tu n'as pas encore trouvé la bonne" (remarque récurrente adressée aux jeunes A).
8)Vous faites parti de l'AVEN, est ce aujourd'hui le principal vecteur d'expression des asexuels en France?Y'a il eu des précédents? Des asexuels connus et affirmés?
À vrai dire, même si je participe au forum, je suis un jeunot sur ce forum. Je n'ai pas autant de connaissances, d'expérience que certains membres du forum. J'ai l'avantage de l'âge et de la maturité (enfin, on espère ^^) pour donner des points de vue. Mais je ne saurais donner d'informations "historiques". Je laisse ce soin à d'autres camarades qui se sont compris plus tôt que moi
9)Un mot pour la fin?
Dans notre société hyper-sexualisée (j'ai emmené mes enfants voir un dessin animé cette après-midi, il y avait plein de pubs avec des femmes aux courbes soi-disant avantageuses pour vanter les mérites, qui d'un parfum, qui d'un esquimau :/), je pense qu'il est important que le 1% des gens qui sont asexuels, sache que ce n'est pas une monstruosité. C'est tout au plus une exception parmi le nombre. Mais ils ont le droit de le vivre sans culpabilité... voire en couple, car il y a des couples A.