Asexuel ou introverti ?

[Ferdy Durke]

Ayant appris seulement récemment que l'asexualité existait comme orientation sexuelle possible, je me suis lancé dans une réflexion sur moi-même pour déterminer si je suis asexuel. Cela me permettrait d'expliquer beaucoup de choses, dont l'une des plus difficile à vivre pour moi : être vierge et célibataire à 38 ans. Difficile à vivre car malgré toute l'indépendance d'esprit que j'essaie d'avoir par rapport aux règles sociales, je n'arrive pas à échapper au sentiment que je suis coupable de ce que la société voit comme un échec.
Je voudrais partager ma réflexion avec vous, peut-être pourrez-vous m'aider à avancer.

Pour savoir si je suis asexuel, je suis parti de la définition. Et je peux répondre immédiatement et avec sûreté que je n'ai jamais été attiré par une autre personne pour m'engager avec elle dans des activités sexuelles. Donc techniquement, je suis asexuel.

En contre partie, la beauté ou le charme d'une personne peux me fasciner. Je peux être excité sexuellement par la nudité et la sensualité. Je me masturbe régulièrement, parfois par mesure d'hygiène, parfois juste parce que je suis sexuellement excité. Tout cela me semble être la preuve d'une capacité d'attirance sexuelle. Je comprends bien que dans le discours asexuel, la libido et l'attirance sexuelle sont différenciées et que l'on peut connaître l'excitation sexuelle et être asexuel.

Une chose cependant m'empêche de me définir comme asexuel :
J'ai toutes les réactions d'un non-asexuel face à des sources d'excitation sexuelle et la seule chose que je n'ai pas c'est le désir de pratiquer l'acte sexuel avec quelqu'un. Si j'entre mon introversion dans le mixte, je n'ai pas seulement une absence d'attirance pour une relation sexuelle avec autrui mais aussi une absence d'attirance pour toute relation avec autrui, qu'elle soit sexuelle ou pas. Mon asexualité serait alors qu'une conséquence pratique de mon introversion et non existante par elle-même. Dans ce cas je ne me définirais pas comme asexuel.

Je n'aurais aucun doute sur mon asexualité si j'étais complètement indifférent aux stimuli sexuels, comme certains asexuels semblent l'être. Mais voilà, j'ai une libido, ce qui rend les choses confuses.

Peut-être que quelque chose m'échappe, une dimension dans l'attirance qu'un non-asexuel peut connaître envers une autre personne pour s'engager dans des activités sexuelles. Et ce fait que je ne comprenne pas l'attirance sexuelle serait en fait une preuve de mon asexualité. Mon introversion pourrait alors être la conséquence indirecte de mon asexualité, une façon d'échapper au jugement social que les asexuels subissent.

[ZKL]

Bonjour Ferdy Duke, bienvenue sur le forum.

Tu disais, dans un autre message, lire The Invisible Orientation de Julie Sondra Decker, qui est selon moi une très bonne référence pour comprendre l'asexualité telle qu'elle est décrite et étudiée au sein des communautés asexuelles.

Je n'aurais aucun doute sur mon asexualité si j'étais complètement indifférent aux stimuli sexuels, comme certains asexuels semblent l'être. Mais voilà, j'ai une libido, ce qui rend les choses confuses.

Justement, on est un peu dans le cas de ce que l'auteure définit comme le gold star asexual, un asexuel qui serait une sorte de modèle pour complaire à tous les reproches que l'on peut avoir de l'asexualité lorsqu'on ne la connaît pas assez : un asexuel qui se porte bien, qui est attractif, pour qui ce n'est pas une phase et qui n'a aucune libido, entre autres.

Tu affirmes ne vouloir aucune relation avec autrui, mais tu es quand même venu de ton plein gré sur un forum, qui est un espace où l'on noue des relations plus ou moins proches avec d'autres personnes. Je m'avancerai peut-être, mais je pense que certaines relations peuvent t'être satisfaisantes, lorsqu'elles ne sont pas "physiques" par exemple, cela ouvre la voie vers tout un champ de relations possibles.

Quant aux stimuli sexuels, ils relèvent effectivement plus de la libido que de l'attirance puisque tu ne sembles pas vouloir partager une intimité sexuelle avec une ou plusieurs autres personnes.

Je ne vais pas te dire si tu es ou non un asexuel valide mais tu dois savoir que l'introversion touche également beaucoup d'asexuels. Comme tout le monde, les asexuels peuvent être réservés, voire très solitaires. Ça n'en invalide pas leur orientation. Si tu te sens bien vivre avec l'asexualité, alors rien ne t'empêche de l'adopter, quitte à t'en débarrasser plus tard, lorsque ta réflexion sur le sujet aura évolué.

Bien à toi.

[Merionne]

Bienvenue à toi

La libido et l'attirance sexuelle sont 2 choses différentes en effet. Il y a des asexuels qui, comme toi, réagissent à des sources d'excitation sexuelle. Ils regardent du porno par exemple, mais ils ne passeront à la pratique de l'acte charnel. Beaucoup se masturbent pour soulager leur corps ou pour tout autre raison, et il y en a qui n'en ressentent pas le besoin. Cela dépend de la personne ^^

Pour l'introversion, j'avoue que aller me terrer dans une grotte au fin fond d'une forêt, genre ermite, ne me dérangerait pas plus que ça Mais là encore, tous les asexuels ne sont pas pareils, chacun a son caractère, sa personnalité. Il y a des hétéros extravertis et introvertis, des gays extravertis et introvertis, des asexuels extravertis et introvertis...

L'asexualité a cette définition : une personne qui ne ressent pas d'attirance sexuelle pour une autre personne.
Ce n'est pas une absence de libido ou une absence d'attirance esthétique, non, c'est une absence d'attirance sexuelle.
C'est à toi de faire le point, de bien comprendre ce que tu ressens et de voir ensuite si cette définition te correspond ^^

[FTC]

Pour résumer, n'aurais tu pas simplement peur de l'intimité? Peur de trop en dévoiler aux autres, un manque de confiance envers autrui, etc

[PaulL]

ils ne passeront à la pratique de l'acte charnel.

Ils n'initieront pas le dit acte, nuance

[Merionne]

Exact, puisque certains asexuels font l'amour.
Mal formulé, au temps pour moi

[Ferdy Durke]

Merci d'avoir pris le temps de lire et de répondre à mon message.
Je répondrai dans l'ordre chronologique :

ZKL

• Concernant ma libido qui complique mon identification en tant qu'asexuel :

  on est un peu dans le cas de ce que l'auteure définit comme le gold star asexual

  En fait, c'est le fait d'avoir une libido et d'être introverti qui complique les choses.
  Si je n'avais pas de libido, je saurais immédiatement que je suis asexuel et pas seulement introverti.
  Si je n'avais pas d'introversion, je saurais immédiatement que je suis asexuel malgré ma libido car je n'ai aucune envie d'avoir une relation sexuelle avec quelqu'un.
  Etant introverti avec une libido, il est difficile de déterminer si j'ai une attirance sexuelle car celle-ci pourrait être masquée par mon introversion.
  (ouh la, ça devient in peut trop syllogistique, va falloir que je revienne sur Terre )
• Concernant mon introversion :

  Tu affirmes ne vouloir aucune relation avec autrui, mais tu es quand même venu de ton plein gré sur un forum, [...] certaines relations peuvent t'être satisfaisantes, lorsqu'elles ne sont pas "physiques" par exemple, cela ouvre la voie vers tout un champ de relations possibles.

  Peut-être dois-je mieux définir mon introversion.
  Aller sur un forum n'est pas trop difficile pour moi : c'est quand même très léger en terme d'investissement relationnel : anonymité, pas de contraintes temporelles ni matérielles, etc...
  Dans la vie, je suis capable de me faire des amis et, après une petite période de prise de marques, je m'intègre assez bien dans des groupes. Ce qui me draine toute mon énergie et ce que je fuis, ce sont les relations trop invasives à mon goût : ami qui souhaite garder le contact, évènements sociaux (dîners entre amis, mariages).
  Mais, je ne l'ai pas précisé dans mon message et j'aurai peut-être dû, je n'ai pas de problème avec mon introversion au quotidien, j'ai construit ma vie en fonction de celle-ci et je m'en porte très bien.

Merionne

• Je suis d'accord avec toi, la libido et l'attirance sexuelle sont deux choses différentes.
  De même, l'introversion et l'asexualité.
  Cependant, comme je le dis plus haut, c'est la combinaison de la libido et de l'introversion qui rend compliquée la détermination de l'existence ou non d'une attirance sexuelle.
• Concernant la détermination de mon asexualité :

  C'est à toi de faire le point, de bien comprendre ce que tu ressens et de voir ensuite si cette définition te correspond ^^

  Je pense que c'est tout à fait ce qu'il me reste à faire, le seul moyen pour moi de déterminer mon asexualité est de continuer à réfléchir sur mes sentiments.

FTC

Pour résumer, n'aurais tu pas simplement peur de l'intimité? Peur de trop en dévoiler aux autres, un manque de confiance envers autrui, etc

Un résumé correct quoiqu'un peu brutal
Cela correspond à une de mes deux hypothèses : mon manque de désir de relation sexuelle est une conséquence de mon introversion.
Par contre, je ne tiendrai pas compte de la composante "peur" pour deux raisons :
1) On peut justifier tous les comportements à partir de la peur si on veut : un extraverti aurait peur de la solitude, un introverti aurait peur des autres, un asexuel aurait peur des relation sexuelles, un non-asexuel aurait peur de ne pas se conformer aux normes sociales.
2) Je n'ai pas l'impression d'avoir "peur" des autres : je n'ai pas d'attirance pour les autres parce que cela ne me procure pas de plaisir d'être dans une relation sérieuse et cela a tendance à drainer mon énergie. C'est ce que je suis et je l'accepte.

Merci de vos commentaires. Il faut en effet que je passe plus de temps à comprendre les attractions que je ressens pour déterminer si je suis asexuel ou non.
Cette réflexion est très instructive pour moi. Elle m'oblige à me pencher sur mes sentiments les plus profonds et les plus confus.

[Ferdy Durke]

Depuis le dernier message, j'ai donc passé du temps à examiner mes sentiments, essayant de remonter le plus loin possible dans mon passé. Une vrai fouille archéologique.

Résumé de l'épisode précédent : ma réflexion s'articule autour des 3 certitudes suivantes :

• J'ai le sentiment de ne pas avoir d'attirance sexuelle pour quiconque, de ne jamais en avoir eu.
  Les quelques situations d'intimité où il m'aurait suffit de dire oui à des propositions sexuelles (hetero ou homo), je n'ai jamais eu d'autre sentiment que "non, merci", comme un blanc dans mon esprit, la sensation que je ne comprenais pas la dynamique en jeu.
• Je suis très introverti.
  Mais je l'accepte et n'ai pas de souffrance liée. Je suis habitué à la solitude. J'ai une vie intérieure suffisamment intense pour m'occuper et j'ai construit ma vie de manière à garder des contacts sociaux non-intimes suffisamment fréquents pour que la solitude n'affecte pas ma capacité à vivre en société.
• Je suis sensible aux stimulis sexuels et j'ai une libido.
  D'après ce que je peux en juger, je suis réceptif aux mêmes stimuli que la plupart des non-asexuels. Ces stimuli peuvent m'exciter si ma libido est "up and running". Je soulage généralement cette excitation par la masturbation. Cela sans sentiment de frustration, juste naturellement.

Mon but était de comprendre les relations entre ces 3 éléments. Et c'est dans leur emboîtement que j'ai saisi la nature de mon absence d'attirance sexuelle. Il me manque la partie attirance de l'attirance sexuelle(dans le sens étymologique d' être tiré vers, comme sous l'action d'une force). J'ai la partie sexuelle mais, au plus profond de moi, j'ai beau examiner, rien de ne me ramène vers l'autre qui m'a stimulé.
Je faisais deux hypothèses :
*soit l'introversion bloquait mon attirance sexuelle (au risque de provoquer de la frustration)
*soit mon absence d'attirance sexuelle m'a rendu introverti (le choix de la solitude pour éviter d'être face à ces situations où dire non semblait anormal).
En fait, la relation entre introversion et absence d'attirance sexuelle est plus subtile.
Mon introversion est une composante fondamentale de mon identité. Depuis mon plus jeune âge, j'ai un sentiment aigu de solitude existentielle : un constat clair et précis que la séparation entre moi et l'autre est insurmontable. L'introversion ne bloque pas mon attirance sexuelle : elle fait que celle-ci n'existe pas. Il n'y a donc pas de conflit, de risque de frustration, entre l'introversion et l'attirance sexuelle, car, je le répète, cette dernière n'existe pas. Pour le dire autrement : cette absence d'attirance est aussi profondément enracinée en moi que mon introversion.

Maintenant, à quoi me sert-il de savoir cela ?
Cela me permet de me libérer de mon sentiment de culpabilité par rapport à mon absence de relation sexuelle dans une société hypersexualisée. Ma virginité n'est pas une conséquence néfaste de mon introversion. Ce n'est pas un problème qu'il faudrait résoudre. C'est une conséquence naturelle de mon asexualité qui est un aspect tout aussi fondamental de mon identité.

Ma réflexion va continuer, mais pour l'instant je penche vers me définir asexuel et s'il faut être plus précis : aromantique, réceptif aux stimuli hétérosexuels, et dans l'hypothèse d'une relation avec l'autre, je suis plus confortable dans une relation homoplatonique.

Ce message est trop long, je m'en excuse. Mais j'avoue que je l'ai écrit par besoin de clarifier ma pensée.
Désolé si certains points semblent nébuleux, il est difficile de décrire ces sentiments.
Merci de votre patience si vous m'avez lu jusqu'au bout.

[Quesuisje]

Bonjour, Ferdy,

merci de nous livrer tes reflexions.
On voit que tu as dejà beaucoup reflechi et avancé dans ton introspection.
Asexuel ? Aromantique ? Introverti ?
On essaie tous de mettre des mots sur ce que nous sommes. C'est important pour se comprendre.
Et ce qui est un peu paradoxal pour des gens aussi solitaires que nous, c'est aussi important de savoir que nous ne sommes pas seuls dans notre cas.

Je me reconnais beaucoup dans ce que tu decris de ta personnalité et de tes interactions avec les autres et la sexualité.
Donc merci de ce partage qui m'aide egalement à progresser dans mon propre cheminement.